Ikkyu, le nuage fou
Ikkyu, le nuage fou
dimanche 3 juin 2012
Peu désireux de nourrir le monstre de l’Intelligence Artificielle, j’ai décidé de retirer ce texte de mon site pour n’en laisser qu’un extrait. Vous pourrez en retrouver l’intégralité dans Sept Chemins Sauvages de Guyseika (voir ici), paru aux éditions de L’Originel-Accarias en novembre 2021, et qu’il est très facilement possible de commander dans toutes les librairies ou sur internet.
Un fils illégitime de l’empereur, voilà ce qu’est Sengikumaru, l’enfant qui deviendra Ikkyu, lorsqu’il sort du ventre de sa mère en 1394. Celle-ci, concubine prise dans le conflit des cours du Nord et du Sud, enceinte d’un impossible prétendant au trône, s’est trouvée poussée hors du palais impériale jusque dans une demeure délabrée des alentours de Kyoto. La bicoque accueille l’enfant, la mère et une nounou, et Sengikumaru y apprend ses premiers mots, trace ses premières calligraphies sur un vilain papier de riz. Chaque soir il voit sa mère verser des larmes sur leur sort. Toute sa vie Ikkyu trimballera cette mélancolie dans son errance. Comme une intuition précoce sur l’impermanence, elle sera aussi parfois la source de ses plus profondes réalisations. Sa mère craint cependant pour la vie de son enfant et l’envoie vivre dans un monastère à l’âge de cinq ans. C’est un monastère immergé dans la structure des gozan, les Cinq Montagnes, cinq grands monastères du zen Rinzaï affidés au shogunat*. On lui donne pour nom bouddhique Sojun.
Dans le cadre de cette vie monastique, discipline, enseignements bouddhiques, abus sexuels et poésie rythment sa vie d’enfant et celui-ci grandit le long des allées tirées à quatre épingles du temple, dans les ombres tarabiscotées des pins. Au fil des ans, Sojun affine son esprit en étudiant les soutras et affirme son caractère en se frottant à ses compagnons et enseignants. Il mène une vie érudite, confinée, et devient un adolescent réservé, doué pour la poésie. C’est ainsi que Sojun rejoint Kennin-ji, l’un des monastères spécialisés dans cet art… Les écrits du jeune moine circulent et sont très vite admirés par le tout Kyoto. Quel est ce petit génie ? Oh, ce serait un rejeton de l’empereur… Entre les idéogrammes transparaît la tristesse accumulée dans sa maison d’enfance…
Dans les dévastations de l’automne
De jeunes beautés à jamais fidèles
Chantent entre les murs du Palais.
Dans les ombres du jardin, une concubine esseulée,
Les portes du suzerain ne s’ouvriront plus pour elle.
Sous nos yeux :
Gloire et déchéance, joie et peine
La faveur du seigneur s’étiole au fil du temps
Et les herbes folles prolifèrent
Peinture par Reikeï Vendetti